
Face à la banalisation de la publication de faits privés sur la vie d’autrui, les juristes Samuel D. Warren et Louis D. Brandeis ont suggéré, en 1890, que la loi devrait protéger le droit de l’individu à la vie privée. Si certains se sont allié à la démarche préconisée par les deux chercheurs, considérant l’exposition de ce qui est privé comme une atteinte à l’individu, d’autres le concevaient comme du journalisme légitime. Quoi qu’il en soit, il est devenu le fond de commerce d’un nombre croissant de journaux américains et de programmes de télévision. Face à cela, la loi, s’est avérée, jusqu’à ce jour largement inefficace pour y pallier. Voyons ce que l’on entend plus précisément par « faits privés » afin de déterminer s’il y a effectivement violation de la vie privée. Par la suite, nous verrons ce que dit la loi face à ce délit.
Qu’entend-on par « faits privés » ?
Avant que des poursuites ne soient engagées pour atteinte à la vie privée, le demandeur doit démontrer que les documents publiés étaient privés. En effet, ce qui se passe en public est considéré comme une information publique. Pour plus de précisions, prenons l’exemple de l’affaire Associated Press. Suite à la divulgation de l’identité de la victime d’un viol par l’organe de presse, l’intéressée a esté en justice l’Associated press pour violation de la vie privée. Notez que la plaignante avait témoigné lors de l’audience sur la détermination de la peine de son agresseur. Cependant, son nom n’apparaissait pas dans les dossiers du tribunal et n’avait pas été rendu public avant l’audience. Toutefois, le témoignage ayant été rendu en audience publique, le 4e tribunal d’appel des États-Unis a statué en faveur de l’agence de collecte de nouvelles. Pour la cour, l’identité de la plaignante ayant été rendue publique à l’issue de son témoignage, ne revêtait plus un caractère privé. On en déduit que si une information intime ou personnelle est connue par un grand nombre de personnes, celle-ci n’est plus considérée comme étant privée. Aussi, les informations contenues dans les documents et les fichiers ouverts à l’inspection publique, ne sont généralement pas considérés comme tel.
Dans quelles limites la publication de faits porte atteinte à la vie privée ?
Une fois le caractère privé des faits établi, le tribunal saisi doit alors poser deux questions: la publication du matériel offenserait-elle une personne raisonnable? Etait-il d’intérêt public? Les juges sont souvent confrontés à un dilemme, notamment celui de déterminer si l’information révélée était importante. Il se doit également de trancher sur le caractère offensant ou embarrassant de la chose afin de juger de l’existence d’une violation de la vie privée. La loi est assez claire sur ce point. Si le matériel porte sur des faits d’intérêt public légitime, peu importe l’influence ou l’embarras causés par la révélation, celle-ci ne peut être considérée comme portant atteinte à l’intimité d’autrui. Il faut ainsi garder en tête que la personne sujette à l’offense doit être dotée de raisons et de bon sens. De ce fait, une personne trop sensible peut voir sa requête être sérieusement remise en question.
Enfin, les journalistes doivent être conscients de l’importance du rôle du juge dans la détermination de leur responsabilité sur des cas dont la définition est souvent élastique. En effet, la loi dans ce domaine n’est pas ancrée dans la pierre et le jugement pourrait changer à mesure que les sentiments du public eux aussi changent. Qui plus est, les juges, malgré l’évidence du droit des journalistes à divulguer telle ou telle information, peuvent statuer en faveur des plaignants, considérant les circonstances scandaleuses et dignes de sanctions.